Définition

Des questions vives, complexes, ouvertes, expertisées et médiatisées

Image de lecteur vidéo avec Jean Simonneaux

Les Questions Socialement Vives (QSV) sont définies selon trois niveaux de vivacité (Legardez & Simonneaux, 2006) :

  1. Une vivacité dans la société : la question suscite l’intérêt des acteurs sociaux, individuels ou collectifs, et est un objet de controverse dans le sens où elle provoque des débats contradictoires, mobilise des représentations, des valeurs, des arguments.
  2. Une vivacité dans les savoirs de référence : une QSV, si elle provoque largement le débat dans la société civile, mobilise aussi les acteurs des champs scientifiques et techniques directement concernés par le problème posé. Aux fondements de la QSV, il existe souvent un conflit de paradigmes scientifiques non stabilisés. La question est donc vive d’un point de vue épistémique.
  3. Une vivacité dans les savoirs scolaires : la double vivacité sociétale et épistémique a des résonances au sein de l’École. Les débats qui ont lieu en société sont introduits en classe, par l’effet d’une dynamique sociale ou médiatique, et transposent leur vivacité aux différents niveaux du dispositif éducatif, soulevant ainsi des interrogations nouvelles.

Les questions socialement vives sont également caractérisées par leur nature ouverte. Incertitudes et risques sont fortement présents dans ces questions qui se fondent sur des savoirs contradictoires et se placent sur des échelles temporelles où l’on interroge le futur. Il n’y a pas une unique bonne réponse, a fortiori scientifique ou technique, qui permettrait de clôturer une QSV. Au contraire, des pistes de réponse à une QSV sont toujours construites socialement, dans un contexte particulier difficilement transposable à l’ensemble des questions vives de notre temps. Ces solutions hypothétiques sont généralement diverses et coexistent même si elles sont contradictoires. En somme, en situation de controverse, on recherche davantage le socialement juste que le scientifiquement vrai, ce qui ne veut pas dire que ce qui est considéré comme scientifiquement valide n’intervient pas dans la discussion, au même titre que d’autres formes de savoir.

En outre, les questions socialement vives sont complexes, parce qu’elles brassent différentes formes de savoir (savoir scientifique de référence, savoir social, savoir professionnel, …), sur des échelles plurielles de temps, d’espace, de société. Elles mêlent savoirs et valeurs et interrogent ainsi le « grand partage » qui était classiquement opéré entre la science et le social, c’est-à-dire entre ce qui était considéré comme des vérités intangibles ou objectives et des croyances qualifiées de relatives ou d’illégitimes dans le champ du scientifique.

Enfin, les questions socialement vives sont expertisées et médiatisées. Au sein des régimes d’expertise et des régimes médiatiques, elles sont appréhendées par des acteurs (chercheurs, politiques, journalistes, éditorialistes, …) qui se positionnent dans l’espace social par rapport à la question posée. Ces positionnements font usage de formes d’autorité ou de légitimation qui influencent et actualisent la dynamique de la controverse. Dans notre approche, l’enseignement des QSV opte pour une posture critique qui amène à comprendre ce fonctionnement et à s’impliquer dans sa dynamique sociale.

De multiples exemples de questions socialement vives existent. Elles traversent et structurent de nombreux espaces de discussion socio-scientifiques. Il suffit d’ouvrir les journaux, de suivre l’actualité politique, de se rendre à une réunion associative locale, de se connecter à un réseau social, d’écouter les syndicats agricoles, etc, pour y être confronté. Il est difficile d’isoler une QSV et de l’essentialiser : elles sont souvent connectées ou imbriquées les unes avec les autres (la QSV du déclin des populations d’abeille est, par exemple, intrinsèquement liée à celle de l’usage des pesticides en agriculture). Dans le champ des question agro-environnementales, les Organismes Génétiquement Modifiés, les semences agricoles et la dignité animale sont d’autres exemples de QSV. Les nanotechnologies, les conséquences sanitaires de l’électro-magnétisme, la transition énergétique et le cas du nucléaire, les inégalités de revenus, la question migratoire et les questions de genre sont également des QSV investissant d’autres champs disciplinaires et éthiques. Ces questions sont enfin très souvent localisées et situées sur un territoire, tout en faisant écho à des questions plus globales : c’est notamment le cas de la QSV de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, du barrage de Sivens ou de la ferme des 1000 vaches.

Du point de vue des enjeux propres à l’École, la nature particulière de ces questions appelle d’autres réponses éducatives. La vivacité, la pluralité des savoirs mobilisés et la nature ouverte des QSV changent un certain nombre de variables du contrat didactique, interrogeant la place de l’enseignant·e, le processus d’investigation de la question, le mode de recherche de l’information et son traitement, la construction des raisonnements, etc. Ces changements peuvent être sources de déstabilisation pour les enseignant·es, confrontés avec les QSV à des « risques d’enseigner ». C’est là tout l’enjeu des activités de recherche et de formation qui explorent la construction de réponses adaptées et politiquement ambitieuses à ces évolutions, pour que l’École s’appuie positivement sur la demande sociale de réorientation du progrès scientifique et technique. Vous trouverez sur ce site internet et dans les documents proposés des traces de ces réponses éducatives, afin de forger votre propre réflexion et construire votre propre outillage.

 

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